Laurent Mourey, C’est
pourquoi voler, Montluçon, Contre-allées, coll. « Lampe de
poche », juin 2014.
Ce n’est pas pour rien que son premier livre porte le beau
titre D’un œil le monde (l’atelier du
grand tétras, 2012) et voici le second : ce livre est comme tous ceux de
cette belle collection « lampe de poche » des éditions
Contre-allées : peu épais mais comme tous il est plein d’un gros
livre : on lirait presque derrière le titre C’est pourquoi voler : c’est pourquoi voir… parce que dans la
suite du premier livre, Laurent Mourey continue : « de nuit à nuit la vie
s’invente / nos yeux sont le paysage / nous n’y voyons rien » : ainsi
s’achève ou plutôt s’ouvre (nous ouvre) ce livre sur un « sait-on
jamais », cette expression courante comme on dit couramment qui cache un non-savoir
actif, une activité que ce livre – petit, ai-je dit mais gros, comme on dit de
naissances à venir (« notre vie c’est naître / d’un temps où chaque temps
/ est le revers de l’autre ») – voudrait nous faire toucher des yeux ou
plutôt des voix puisqu’il écrit : « dans ma voix toi mon
imperceptible » : ce que je lis est exactement ce que me font ces
lignes : « ton air de rien ta bouche » avec ses
« mouvements interminables » qui « m’écrivent » : une
trans-subjectivation à l’œuvre ou, pour parler tout simple et fort vrai, « des accords
inconnus frisent nos têtes / un éveil du soudain qui claque un rien les
battements de l’air ». Mais ce « faire ta voix dans encore
encore » est à la fois l’écriture d’une énergie qui traverse, porte et
commence sans cesse (« voler / vient d’abord »), et l’écriture d’une
réponse à quelle question (le « c’est pourquoi ») qui en sens contraire
creuserait, angoisserait même, du moins inquiéterait sans cesse (« le cœur
nous remonte par le ventre // nous nous démenons de nous venir »)… mais toujours
pour que voler recommence sans cesse : « de bouches aimantes deux
pierres / se touchent deux corps / dans l’épaisseur le noir un passage / à
mi-distance pas pour passer mais pour voir / où passer sa voix » :
c’est le début du livre, le début d’un passage de voix, le début d’une lecture
qui continue une écriture « pour voir / où passer sa voix ».
Serge Martin, le 21 août 2014
Serge Martin, le 21 août 2014
1 commentaire:
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