dimanche 25 octobre 2009

REVUE CONTINUUM SUR PAUL CELAN


Parution du numéro 6 de la revue CONTINUUM, Revue des écrivains israéliens de langue française, consacré à Paul CELAN.Contibutions d'Esther Orner, John E. Jackson, Andrei Corbea, Jose Luis Palazon, philippe Païni, Jean Portante, Simone Wiener-Bentata, Marcel Cohen et un entretien de Marlena Braester avec Ilana Shmueli.

Prix de vente en Europe : 15 Euros.

Pour commander le numéro : mailto:braester@bezeqint.net

vendredi 16 octobre 2009

Le 19e Salon de la Revue





Le 19e salon de la Revue se tiendra à l'Espace d'animation des Blancs-Manteaux 48, rue Vieille-du-Temple 75004 Paris


Vendredi 16 octobre de 20h00 à 22h00


Samedi 17 octobre de 10h00 à 20h00


Dimanche 18 octobre de 10h00 à 19h30






A noter : une rencontre avec la revue CONTINUUM, autour du numéro spécial consacré à Paul CELAN, avec John E. Jackson, Jean Portante, Philippe Païni, Simone Wiener-Bentata, Luis Reina Palazon, Esther Orner, Marlena Braester.


Dimanche 18 octobre, de 12h à 13h, salle Henri Meschonnic.

samedi 3 octobre 2009

Le réel est affaire de rêverie.


Sur Terreferme, deuxième volet de la tétralogie « La rêverie au travail » de Jean-Pascal Dubost, Le Dé bleu, 2009.
Que le réel est affaire de rêverie et que la rêverie est affaire de poème, c’est ce que je me dis, surtout depuis la lecture de Terreferme, le livre que Jean-Pascal Dubost publie cette année au « dé bleu ». « La rêverie au travail », le titre de la tétralogie dont ce livre est le deuxième volet, montre la rêverie comme une activité de langage, en écho à la distinction de Victor Hugo entre « penseur » et « pensif », tout poème nous laissant et faisant tel, et faisant œuvre de pensivité, un infini de la pensée. Terreferme, c’est d’abord le travail du paysage et de la terre, celui des fermes, à la fois une architecture et l’activité agricole, l’objet de rêverie de ce livre. Mais l’objet est une poursuite infinie, d’un discours qui cherche à dire dans le parcours d’un homme qui cherche, sur sa route, la « ferme modèle » : c’est l’inconnu d’une voix errante, se cherchant dans des rencontres, ou se trouvant dans ses recherches – balbutiantes, savantes et jubilatoires, tâtonnantes : « terre à voir, incognita, sacrée terre, secretum, Segré terre, sûre secrète terre de mon cœur, errer en terre, terrer, terre d’écriture. » (p. 11) Il est certain qu’il y a toujours à entendre comme à voir ce que les mots touchent, en nous et autour. C’est pourquoi la rêverie est une terre ferme et inconnue.
Aussi les détours sont-ils le tracé et le « territoire inconnu » de ce livre, « l’activité très humaine et très / terre à terre de poète » (p. 12). Trouver ou « faire entreroute, malgré la totale inscience que nous en avons, dans le / concept de « ferme modèle » (p. 13) mène à l’inconnu d’un discours et encore de l’activité humaine, le poème et la ferme dialoguant de « terre à terre ». C’est que le poème est la recherche et l’invention de son terre à terre, ici des discours, des histoires de fermes modèles, de paysage – discours, histoires qu’il fait siens, du Comte de Falloux à l’architecte René Hodé, des écuries d’Augias à celles d’Alfred Liaigre, « né avec l’amour des vaches », qui « eut un patron sensationnel, il a tout appris de lui, il en est fier, il s’appelait monsieur Huet (il faut dire Huette) » (p. 43). L’histoire a un goût, celui du réel, du discours, du poème, de la vie en poème : « Nous repartons après avoir bu un vin cuit / avec Alfred, nous nous sentons mi-quelque / chose, mi autre chose, on ne sait pas » (p. 45).
On l’aura peut-être compris, l’enquête de Jean-Pascal Dubost n’est pas pour trouver un objet, mais pour le faire entendre – et que l’on s’écoute ensuite le rêver ! « en vain, rien, chou blanc, désolé. / « Ferme modèle » n’est pas un concept / déposé » (p. 48-49), de retour d’une bibliothèque. Et ce que Dubost donne à lire est l’enquête se faisant, une « réelverie » (p. 51), une onomastorêverie en même temps, le « bain de boue de la rêverie » transformant le « poète » en « bouète » (p. 50-51), les anciennes fermes se nommant « La Grande Noue », « L’Epine », « l’Ebeaupinière » (p. 56), ou « la Maboulière » (p. 20). Et Dubost nous introduit dans les notes prises en route sur son ordinateur portable, ou les voix enregistrées sur dictaphone : la page dit qu’ « il est temps maintenant de poser le casque / sur les oreilles et de déclencher le / dictaphone, que nous avions enclenché, hélas, avec retard » (p. 60) Une enquête rêveuse, ou une rêverie en quête, comme on voudra, dont les accents ont quelque chose de Montaigne : des « essais » justement pour penser en songeant selon sa « maîtresse forme » : « finalement, notre maître rythme, n’est-ce / pas l’irrésolution, et notre maîtresse forme, / l’imperfection ? » (p. 71)
Ce livre est un grand exercice de liberté, un chemin d’écriture en « terreferme » de poème. La prose, la prosodie de ce poème, de cette parole prendra ainsi l’allure de la note et la note celle de l’invention d’une prose ; le pied de nez aux catégories et aux savoirs sur la poésie (qui devient en dernier lieu « bouésie », p. 81) : « nous règlerons la règle sur la barre / d’outil de notre traitement de texte, / justification à gauche et non-justification à / droite, qui déterminera le rythme visuel de / notre prose à l’apparence de vers que nous / appellerons « prose en vers injustifiés » (p. 13-14) Il s’agit d’ « aller, écrire, aller par le gré » (p. 14), ce qui défie bien des académismes et des « justifications » et prête au rêve de poème et rêve de prose. De même le poème, toujours lui, défie tout réalisme et toute réalité, ce que Dubost touche précisément et finement : « le paysage ne / nous fait rêver, certes que non, nous / le rêvons » (p. 16) Pour finir, il y a simplement à dire que jamais la rêverie n’aura été si active. Alors ne nous laissons plus rêver, ni faire, par la poésie ; dans tous les sens, rêvons les poèmes.
Laurent Mourey