dimanche 14 mars 2010
Une note dans la revue Europe sur le premier essai de la collection Résonance générale
Dans Europe n° 971 de mars 2010, on peut cette note de lecture rédigée par Sandrine Larraburu-Bédouret sur Emile Benveniste pour vivre langage, le n° 1 de la collection "Résonance générale-Les essais" aux éditions de l'Atelier du grand tétras.
lundi 15 février 2010
dimanche 14 février 2010
Tissus mis par terre et dans le vent, de James Sacré
Mais :
Se montre nu (13)
Et :
Gestes qu’on a peut-être recommencés
Pour aller d’un brouillon malmené à des mots bien rangés
Sur du papier. (35)
Entre ce qui est et ce qui vient, par ce qui est, vers ce qui vient, le regard et la parole donnent toute sa présence au temps de la vie, mémoire et surprise de l’imprévisible. Les photographies, « discours de gestes muets » (49), motifs pour le poète surimposés au motif, exhortent à une compréhension du voyage du voyage, du poème du poème : elles « ne sont ni par terre / Ni jetées dans le vent, au mieux / Les voilà mises là-devant » (53) – et les espaces « dans le vent », « là-devant », font rimer leurs déplacements, leurs désassignations dans « Le poème à côté ». Tout se décentre dès lors que le regard a abstrait un peu du monde et le transporte ailleurs. Et le poème (« Je sais bien : le même poème recommencé » - 56) fait mine d’arpenter toujours les mêmes chemins. Pourtant, il avance, et il est l’étonnement même d’’être « Comme une question […] / En guise d’affirmation » (57). Il va, « jusqu’à son dernier vers, lequel / Ne résout ni ne propose rien ».
C’est sa force. Force de non-proposition, de non-solution. Qu’il ne faudrait confondre ni avec un retrait méprisant, ni avec une démission désespérée. Cette force en est tout le contraire. Le « j’en sais rien de la poésie » (60) de James Sacré dit une éthique clairement opposée (bien que même ici ce soit encore une question) à la course à l’étiquette :
Savoir dire où je veux aller, ce que je refuse, et porter bien en vue de grands problèmes d’existence et d’écriture ?
Ou m’en moquer de ces tourments et façons
De m’arranger un paraître ? (60)
C’est justement que le poème fait plus qu’il n’est. Et qu’il n’a pas besoin de s’avouer pour être ce qu’il fait. Puisqu’il est d’abord la fidélité à son inconnu : « L’ignorance et l’énigme au fond de nos savoirs » (64). L’inconnu du poème, ici, consonne avec l’inconnu du monde, dans la banalité même d’une exposition de l’intime :
Le monde se donne
Et nous échappe
En même temps. (50)
Tissus mis par terre et dans le vent, James Sacré, avec des photographies de Bernard Abadie, Le Castor Astral.
lundi 8 février 2010
Résonance générale sur MEDIAPART
dimanche 31 janvier 2010
Presque v’île, poèmes
dimanche 3 janvier 2010
2010
L'équipe de la revue Résonance générale-cahiers pour la poétique et son éditeur, l'Atelier du grand tétras, souhaitent à tous ses abonnés, lecteurs et découvreurs, une résonante année 2010...
2009 aura vu se créer la collection "Résonance générale-essais pour la poétique" (voir le premier livre paru à cette adresse: http://craac.free.fr/EssaisPP.html): on continue avec en 2010 un numéro 4 au moins et un titre dans la collection (autour de Henri Meschonnic) dès le joli mois de mai...
Ci-dessous le manifeste continué publié dans le numéro 3 comme des voeux portés à chacun par "l'oreille du poème" - si vous voulez lire ce qui précède, merci d'aller à http://revue-resonancegenerale.blogspot.com/2008/11/un-manifeste-continu-pour-une-rsonance.html :
Manifester les silences dans des chroniques…
au temps du Parti Intellectuel des Communicants
Nous avons besoin de nourriture et qu’on ne l’enlève pas quand la communication vide tout dans son bruit sans voix : la relation nourrit sur les scènes de la théâtralité du langage enfin vue parce que l’oreille du poème voit tout ce qui nourrit l’humain. La communication même « poéthique » est une belle ordonnance comme toute apprêteuse quand la relation qui invente le poème à partir de la vie même vers tout le détail de l’œuvre offre la souveraineté de l’ordre : musique ! résonance ! grâce, disait Péguy !
Nous nous voyons nous envoyons en voyons toutEh bien voyons à présent tout à jamais plus que toutLa même allure la belle je te la marmonne glisseLe silence et incessamment tu te me le transformesNous nous ennuageons envisageons ce langage tout ce mondeÀ fleur de peau mais dire fleur c’est ce faire se faireLa peau le poème la peau aime la peau et vie
Nous sommes plus exigeants que la communication du parti intellectuel des communicants (PIC) qui règne en po&sophie contemporaine : nous voulons, nous devons rechercher plus avant. Plus outre. Leurs calculs parfaitement arithmétiques et leurs perspectives géométriquement actantielles éliminent toujours dans le mépris la question du cœur qui bat, de la main qui se tend, de la bouche qui s’abouche, du corps qui tombe dans tomber. Aux pauvres est dévolu le spectacle de la chanson sentimentale au point de l’affubler maintenant d’un titre présidentiel ! Le PIC se réserve l’avarice du cœur, la cruauté du jugement, le cynisme de l’idée et l’esthétisme des formes et parades : le PIC met tous ses membres dans la parade des formes et firmes, des marques et remorques.
Le PIC a l’intensité de ses truismes : s’exclure exclut. L’éthique de la poéthique po&sophique est une hygiène de mort. Il y a de l’inadmissible, une violence inadmissible, faite au poème, dès lors qu’on le définit par ce qu’il a d’extraordinaire. Le poème ne fait pas d’extra. Il n’a pas à être le passe-plat de l’époque pour laquelle il y aurait l’ordinaire, et quelquefois la fête. Deux semaines de Printemps par an. Profite, poète, le buffet du grand soir ferme bientôt.
La violence faite au poème est faite au langage – ça ne concerne que les êtres parlants, les autres peuvent dormir sur les deux oreilles de la communication.
Langage ordinaire : concept élaboré par le service d’ordre. La poésie poétique comme cordon sanitaire.
Le poème passe, comme la vie. De bouche à oreille, de bouche en bouche, de corps en corps, de lèvres en livres. Il fait le maximum de l’ordinaire.
L’époque passe en boucle. Mais une mèche de tes cheveux me fait l’amour – et met le feu aux poudres.
Le moindre poème ne s’inscrit mais est désinscritTurbulent l’infini me trouve au milieu quel bon vent t’amèneÀ peine dire voilà que déjà tu trembles et inventesCette manière de marche cette manière de marcherEn courant tiens-toi bien debout contre cette manière de dépenserSans rien faire que compter non ses syllabes mais ses points penserN’est pas mettre en boîtes des marques de fabriques si c’est une chose c’en estToujours une autre et pas le moindre coup Quelle gifle aux communicants ces choses et autres qui font rimer la vie à la vie Dans et par un bonjour unPoème le moindre mais non des moindres
Mais il y a deux vies, nous dit-on : la biologique, la sociale (une seule boucherie muette : silence des organes et « universel reportage » pour les gueux) et la « Vie de l’esprit ».
Le poème est plein de vies : elles ne font qu’une, sans majuscule. Une, et c’est le paradoxe du poème, parce qu’elle est le pluriel indémêlable de toutes les vies de la vie dans un sujet – toujours unique et jamais seul. Sans majuscule : parce que le pluriel évaporent les essentialismes.
Nous voulons, à la différence des tenants du PIC, aller plus avant dans notre engagement dans et par la relation. Infiniment plus mordus qu’eux ne sont victimes de leur cynisme communicationnel, nous voulons devenir irrécusablement victimes de la relation qu’engage n’importe quel poème, le plus petit, le plus pauvre poème tellement plein de relation qu’il nous élimine dans toute prétention, dans toute maîtrise, dans toute intention même inconsciente. Parce que le moindre plus petit poème fait une nourriture et donc blessure, et morsure, infiniment plus profonde, ineffaçable, et grave, plus grave avec la relation que les innombrables petits fours étiques du parti intellectuel ne demandent aux mordus de la communication tous inscrits au PIC. Ces mêmes mordus et surtout les dirigeants des fractions concurrentes du PIC croient tenir la critique contemporaine dans leur hargne continuelle pour faire taire, pour ne jamais faire entendre, ne jamais résonner tout ce qui peut faire le début d’une relation. Ce sont même des grands raffineurs dans le raffinement de la cruauté polémique puisqu’ils ignorent, taisent et font tout pour que la communication tue le moindre début de relation, le plus petit poème. Le PIC fait croire que la scène est pleine des fractions du PIC : personnages sans voix qui n’entendent jamais les silences ahurissants des pauvres de la relation, des mendiants de la relation, des fous de la relation.
« Résonance générale » parce que je n’arrête pas de me définir-m’infinir dans vos voix. Ton je me fait des tu auxquels je n’aurais pas pensé ressembler. Ta voix m’enchante de faire notre connaissance.
Je te suis, tu m’es.
Le PIC tient salons et revues, émissions et festivals, manifestations et installations, éditions et performances publicitaires pour communiquer la mort de toute relation. Il n’est jusqu’à la douceur voire la tendresse qu’il sait mettre redoutablement au service de son activité meurtrière. Mais le moindre petit poème parce que son organicité tient d’une liaison intérieure tout à fait indissoluble résiste aux coups meurtriers des milices du PIC. Et même le contemporain leur échappe quand ils croient le tenir en laisse : la théâtralité du langage les rend pitres et bouffons. Elle les raidit tellement qu’ils en perdent leur douceur et montrent alors que la barbarie toujours veille.
Le sens est partout, où l’on ne sait pas qu’on l’entend. Dessus-dessous. L’époque est en quête de sens. Elle en est pleine, elle en déborde. Elle élargit la scène de sa mondanité aux dimensions du monde. Et sa quête elle-même dit quel sens du sens elle a. Stratégie, stratagème pour que dure l’ordre établi, le sens établi. Comment travailler, critiquer, problématiser un sens qui n’y est pas ?
Dans l’ordinaire, dans le maximum d’ordinaire du poème, et par, il y a une critique du sens. Du sens comme ce qui manque, et auquel nous manquons.
Oui, le moindre petit poème fait grincer la machine huilée des dévotions des théologiens du PIC : ils n’aiment pas la réalité du moindre petit poème et leurs échafaudages communicationnels jusque dans les plus basses vulgarisations de la communication sacralisée ne servent à rien d’autre que toujours d’éloigner cette réalité nombreuse du moindre petit poème, de la plus petite oreille qui voit la relation en actes, en résonance. Le PIC a même décidé d’abandonner la maison et on les voit chargés d’échafaudages quitter la maison pour une autre où il y ait toujours moins de réalité. Toujours plus scientifiquement communicationnel : le PIC cherche tous les quatre matins une maison de la communication pure. Une communication exacte. Objectivement pure et exacte en y mettant à chaque fois le zeste d’une subjectivité d’un pur ressenti et d’une pure séduction. Mais le moindre poème rappelle la réalité et montre la grossièreté de ces abstracteurs de communication. Ils sont grossiers jusqu’à répéter que la relation c’est la religion pour mieux tuer la relation et augmenter les dévotions à la religion de la communication. Le PIC a les mains pures mais il n’a pas de mains, il n’a que des mots d’ordre. Aussi le moindre petit poème plein de rythme dans ses mains calleuses, noueuses, silencieuses, modestement fouilleuses toujours des réalités multiples, incommensurables et irréversibles, engage toutes les mains à se serrer. Pour que tout le corps de la relation fasse entendre partout dedans dehors la relation, ce qui n’est dit nulle part, ce qui ne peut s’entendre autrement que dans des silences pleins de voix, des banalités pleines d’agrandissements extraordinaires, des évidences redoublants nos énigmes, des impossibles emportés dans tous les dépassements.
On a tellement de sens qu’on en donne à tout. Et tout nous rend de l’inconnu.
Tu te me le donnes encore dans tes poignesSerrées un homme à femme une femme à poignes à peauAime non la poésie mais ce souffle qui passe de vie à vie de langagePour faire signe non de ralliement mais de vie signifier non mettre en signesNi codes pensées faibles du social où nos moindres poèmes sontHors champs de nous devenir cette petitesse à aimer urgemment à glisser entreNos mains nos impératifs d’aucune mode ni mode de communication en langage clairParce que reformulé ces messages clairs codés obscurs Pas aux modes donc !Ni aux modes des modernes du post et du néo modalisésPour entretenir la mode des mots d’ordre à la mode des bons rapportsCes énoncés toujours clairs pourvu que le subjectif soitAncré dans la situation la bonne mais pas trop de suggestif ils ne comprendront pasPour ça préfère donc les temps du digestif l’air du temps est siApaisé apaisant non ?Non rien à faire je continue
Le parti du rythme avec la relation est un ressaisissement pour renverser le PIC et toute sa réclame de politiciens de la littérature et de la poésie qui tiennent le devant de la scène contemporaine dans toutes les matières qui légifèrent sans jamais savoir enseigner autrement que les académismes et les suivismes. Avec le moindre petit poème, ouvrez les oreilles et vous verrez le langage habité par un corps et un corps habité par le langage à hauteur de la moindre petite relation.
J’écris des poèmes, c’est mon train-train quotidien. J’ai un abonnement illimité.
Le poème est simple comme bonjour, monsieur le contrôleur.
Devenez chroniqueur du parti du rythme : vos essais qui n’auront jamais l’assurance des chefs du PIC, auront inévitablement les approfondissements et les reculées de la merveilleuse aventure du vocatif, de l’organique, de l’insertion par le coude et le genou, de l’articulation de toute vie humaine parce qu’en multipliant les essais, le morceau viendra si ce n’est aujourd’hui demain. Et il y a du demain dans hier : alors la relation pleine de rythme tient déjà le morceau qui l’emporte sans qu’elle le sache. Nous ferons tout pour qu’il vienne du ventre, de partout là où tout le corps s’emplit de langage-relation, et laisserons la poche du pardessus aux assis du PIC. Debout les chroniqueurs du moindre petit poème !
« C’est la résonance de ce que vous dites que j’attends, et alors que j’entends[1] »
[1] Charles Péguy, Un poète l’a dit [posthume, 1907], PL II, p. 820-822.