jeudi 17 juillet 2008

Le poème de l'orage


Tes pas s’allongent et je m’essouffle. Ça s’orage, disent-ils par ici. Tu me le répètes quand rien n’apparaît. Oui, ça apparaît. C’est toujours au loin et c’est toujours très près. L'orage est toujours près et nous allons vite. Non, ils sont loin les orages qui enroulent tout dans leur colère. Oui, tu sens toujours la colère qui gronde dans le monde. Oui, juste à côté. Non, loin de nous mais si près quand il faudrait tout faire pour prévenir. Oui, ça gronde depuis longtemps et nous courons. Non, nous sommes essoufflés depuis bien des élections et des pérégrinations. Oui, toujours tu sens l’orage et je m’essouffle à te suivre courir. Tu me prends la main et nous courons sur les premières flaques. Oui, un jour tu es tombée et ça fait très mal. Non, tu te relèves toujours avec ma main dans ta main qui tire pour courir devant les orages. Oui, les orages de toutes sortes qui défont les horizons de ceux qui cherchent la vérité. Non, tu sais seulement vivre vraiment avec les orages toujours près. Non, toujours loin et près à la fois. Oui, j’aime cette odeur qui devient la tienne. Oui, l’odeur de tes orages. Non, de tes peurs qui tirent ma main plus fort pour courir avec l’orage dans le dos. Oui, dans ton dos et je regarde l’orage pour te dire de courir encore. C’est toi qui me fais regarder l’orage et tenir dans ta main pour courir juste devant. L’orage approche. Non, l’orage est notre course. Mon essoufflement. Tes pas qui s’allongent dans mon souffle. Je cours avec ton orage. Je cours dans tes pas. Oui, dans tes pas qui allongent l’orage de mon souffle.


Serge Ritman

mercredi 16 juillet 2008

Le sommaire du numéro 1

Triages n° 20 est paru en juin 2008


Dans ce dernier numéro de Triages (Tarabuste éditions), notons:
- un poème de Laurent Mourey: "Le pinceau trouble";
- l'introduction au dossier "les revue meurent... et vivent toujours" par Serge Martin
- une lecture de L'Oiseau schizophone de Frankétienne paru en 1998 chez Jean-Michel Place: il faut se dépêcher de récupérer les exemplaires encore en vente de ce livre splendide du poète d'Haïti que Serge Martin lit avec Baudelaire et son phénakistiscope.

Faire part n° 22-23 "Le poème Meschonnic"


Dans ce gros volume de 264 pages, on peut lire entre autres: 
Laurent Mourey: "Le poème: d'où devenir voyageurs de la voix"
Henri Meschonnic: "Apprendre à ne plus savoir ce qu'on fait" et "Poèmes"
Serge Martin: "La relation contre la religion avec P. Celan, G. Luca et H. Meschonnic"
Philippe Païni: "Avec combien de noms vivre le poème n'a pas de fin"

Théâtre/Public n° 169 orchestré par Henri Meschonnic

Voici le début de l'introduction au dossier "Théâtre Oracle" orchestré par Henri Meschonnic dans ce dernier numéro de la revue Théâtre/Public :
"J'ai proposé ce motif de réflexion, qui a pu prêter à malentendu: je n'invoquais pas la pythie de Delphes, j'évoquais l'oralité comme faiseuse de miracle; Avec le théâtre comme mise en scène de la théâtralité du langage, de l'inaudible et de l'invisible, donnant à voir ce qu'on ne voit pas ou ce qu'on ne sait pas qu'on voit, à entendre ce qu'on entend pas ou ce qu'on ne sait pas qu'on entend. C'est toute l'oralité non plus comme du sonore mais comme du sujet qu'on entend, toute la corporalité du langage comme enjeu du sujet du poème dans les individus que nous sommes. Et cela, c'est toute la différence avec le spectacle au sens seulement de ce qui est donné à voir, et souvent pur le plaisir des yeux sans chercher davantage. Comme divertissement. Ce qui n'est pas péjoratif. Le divertissement, c'est autre chose; Il y a une violence dans ce que le théâtre fait à nos sens, et c'est aussi cette violence qui chaque fois a renouvelé, et renouvelle le théâtre. (...)" Henri Meschonnic 






















lundi 14 juillet 2008

Nu(e) n° 37: Jacques Ancet

Revue NU(e), numéro 37 (« Jacques Ancet »), septembre 2007, association Nu(e) (29, avenue Primerose 06000 Nice), 20€


 Peu d’œuvres peuvent supporter sans s’y perdre des lectures aussi différentes que celles que suscite Jacques Ancet. Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, les responsables de la revue NU(e) ont confié à Serge Martin le soin de coordonner ce numéro 37, qui permet d’aborder les lignes-forces, les paradoxes parfois, de cette œuvre prolifique et discrète – en tout cas jamais assignable. L’auteur le reconnaît lui-même, et dès l’entretien liminaire avec Serge Martin : écrire met en jeu, en résonances, en conflit, plusieurs postulations. Oui, la nomination, mais débordée toujours. Le mot, oui, mais toujours pris, repris, par l’ensemble de l’œuvre qui en fait l’écho, la nécessaire échappée de sens : « cette désignation multipliée semblait toujours pouvoir révéler au bout du compte le mystère infiniment simple de la présence » (13). Ce que dit Bernard Noël pour qui écrire est laisser « aux mots le soin d’être l’écho de la dérobée universelle » (46), « par suggestion », « par ce bruissement qu’est la sonorité des syllabes à l’arrière des mots ». Et c’est le paradoxe de l’écrire-Ancet : la conciliation impossible du « multipliée » et du « simple », du « bout du compte » avec « l’infiniment ». Ce qui fait de chaque poème à la fois une première fois hésitante et un une-fois-pour-toute résolument assumé : « la poésie, je ne sais pas ce que c’est puisque, oui, elle n’existe pas ». « Oui » et la négation, encore : « Ce que j’ai rencontré ce sont des textes ». Savoir vivant de poète, et de traducteur. La poésie, alors, est « une densité de langage » qui doit être toujours inventée, c’est « l’entre des genres ». Alors, quand on lit dans l’inédit L’égarement, que Jacques Ancet livre ici : « Je suis perdu dans l’entre-deux » (21), les postures s’effacent devant une réalité du faire irréductible à l’être-poète. L’espace est libre pour une « écoute de l’imperceptible, de ce qui se produit au-delà des sons, une écoute qui n’est pas non plus celle des mots, mais une latence du dire » (Amelia Gamoneda Lanza, 103). Et si Michel Collot peut y entendre « Une phénoménologie de l’imperceptible » c’est que, chez Jacques Ancet, « le dévoilement de l’être n’équivaut pas à la révélation d’une essence immuable, mais à l’événement toujours neuf d’une naissance » (83). C’était dit dès l’entretien avec Serge Martin : « l’acte poétique […] est la transformation de l’expérience en événement. Un événement de langage qui est avènement conjoint d’une parole et d’un monde » (11). Alors, c’en est fini des vieilles lunes des mots-absences des choses, mais « l’insuffisance du langage à exprimer le manque » (Fabio Scotto, 89) est à entendre comme un refus de se contenter, un appel à toujours plus de poème plutôt que l’allégeance somme toute satisfaite à l’esthétique du repentir. Oui, chez Ancet tout est question de « Nuance ». Terme par lequel Amelia Gamoneda Lanza désigne « une vocation de dénuement » (95). Ainsi, « en deçà et au-delà du perceptible » et pour une « sensation-monde », « les choses brusquement saisies à l’état sauvages » (Yves Charnet, 109 et sq.), le poème serait « retour aux choses-mêmes ». 
• Laurent Mourey fait retour à l’écriture pour donner à entendre « l’air des paroles qu’on a dans la voix » (135 et sqq.) : Jacques Ancet « fait de la mémoire une activité du présent dans le présent de l’écriture », « narrativité » et énonciation, ensemble – narrativité de l’énonciation, plutôt qu’énoncé narratif. D’où une rencontre avec le Marcel Proust du Contre Sainte-Beuve qui, lisant un auteur, distinguait « bien vite sous les paroles l’air de la chanson, qui en chaque auteur est différent de ce qu’il est chez tous les autres ». Le poème n’est plus seulement dans la poésie, on le trouve aussi dans le roman, dès lors qu’il y a « le récitatif menant le récit ».
 Il y a aussi, pour ce NU(e), les poèmes des autres, les résonants, dont je choisis quelques échos. Antonio Gamoneda (traduit par Ancet ) : « je n’ai appris qu’à ignorer et oublier mais l’amour / habite l’oubli » (51) ; Henri Meschonnic : « je recommence / à chaque autre / ainsi je multiplie / mes vies / de bouche en bouche / je marche mon infini » (63) ; Bernard Vargaftig : « Comme avant quel souvenir / Dont le désert a surgi / Pour avoir vu trembler le silence » (117) ; ou encore « Le poème de l’appel » de Serge Ritman : « Tu m’appelles dans sa voix infinie » (173) ; et Béatrice Bonhomme : « ton cœur battant au creux du mien » (133). Les « je », les « tu » de ces voix font, avec toutes celles que je n’ai pas évoquées, de ce numéro 37 (déjà !), une grande résonance autour de Jacques Ancet, un écho à sa propre attention à « ce quelque chose qui est là dans son absence » (James Sacré, 60), l’écoute et l’oubli, la relation, ce qui se passe, ce qui passe quand une œuvre suscite autour d’elle une levée de voix, des amitiés qui parlent leur écoute. 

 Philippe Païni

Dans le début de ta main


Dans le début de ta main : un livre-poème

Le lyrisme est pourrissant. Ne parlons pas de son adversaire qui fait tout pour vivre en couple : l’objectivisme ou le littéralisme ou ce que vous voudrez… Fini, on en a fini. N’en parlons-plus, ces vieux couples nous font leur scène de ménage tous les printemps des poètes pour qu’on n’entende pas ceux qui font les poèmes de maintenant. N’en parlons plus et cherchons les épopées de maintenant : cela fait longtemps que l’école – de la maternelle à l’Université – nous font croire qu’il faut lire le grec ou rester primitif ou encore faire allégeance au prince pour parler l’épopée. Il n’en est rien ! Cherchons les épopées de maintenant, pas celles des héros et autres monuments en ruine du passé à commémorer. Cherchons les épopées de la voix qui nous vient dans et par le poème. Le poème quand il fait le plein de voix. Voilà une épopée de maintenant : non seulement, elle a autant de voix que d’entrées, six avec les douze portes battantes – ce livre est d’abord une composition qui associe toujours deux modalités de la voix, celle qui enchaîne quand l’autre construit sept moments ; mais il faudrait aussi penser à une composition architecturale tant la « maison » organise certaines résonances du livre contre toutes les demeures et autres assises heidegériennes auxquelles nous sommes si habitués. Tellement battantes, les douze portes, parce que l’air s’y fait libre comme la parole :
et nous aimons nous
parler
sans nous attacher
à ce qu’on dit la parole nous relie si
nous la dénouons
et nous vivons
à langue déliée (21-22)
Cette parole libre invente ses battements : ses lignes coupées qui passent au milieu des mots parfois ouvrent en leur cœur des silences pleins de langage comme autant de gestes qui lient-délient le corps-langage, le pays-langage, la maison-langage, l’épopée-voix, « pour remettre en route le monde » (23). C’est que cette parole libre cherche le « commun des mortels » : « nous partageons la même pierre / jusqu’à la poussière interminable » (50). L’épique de cette voix c’est l’inclusion du cosmique à hauteur de langage contre toutes les sacralisations, les aveuglements des mythes et autres sornettes de la Poésie : la voix épique de cette « somme de feu » met le cosmique à hauteur d’homme, de langage par la transe, la danse, où le ciel, le feu, la lumière, la pierre, le jour, la nuit… participent aux résonances d’un appel, d’une relation qui ne cesse de se chercher, de s’inventer, de se trouver jusque dans chaque ligne (« notre visage notre », 44), dans chaque passage d’une ligne à l’autre (« nous / respirons le blanc / d’entre les mots mais / il nous nourrit nous / tisse une voix pour que donner / le déchire et que / l’abandon ce soit nous / plus loin dans l’inconnu de chacun », 65), d’une battant de porte à l’autre, d’une porte à l’autre dans cette somme six fois ouverte, douze fois résonnante. 
Il faut tout de suite ajouter que l’épique est d’abord ici l’invention d’une transformation infinie de « la matière de / la nuit » en « la nuit lumineuse » (70). Est-ce le feu qui l’illumine ? Oui, si un tel feu est feu-langage, s’il met toute sa force dans la maison-langage qui se bâtit pleine d’hospitalité parce que « nos bouches emportent / nos bouches » (73) où toujours le nom est débordé par le don (ibid.). Cette force invente une espèce de « phrase continue » (96) où s’entend parfaitement « quand le silence revient » (105). Cette force épique trouve un corps qui ne cesse d’en inventer plus : « deux mains apprennent ensemble / toutes les autres mains » (123) : je n’ai pu lire ce passage demains sans penser à Paul Celan, à sa définition-valeur de la poésie, c’est-à-dire du poème comme « le nom sans nom », ainsi que titre Philippe (p. 125). C’est à ce point qu’il me semble qu’ont lieu les recommencements qu’un tel livre ouvre pour maintenant : à chaque moment du livre c’est un « nous / recommençons sans fin / le début de parler » (133) qui fait le défi jusqu’à des trouvailles qui valent toutes les linguistiques et autres sciences de l’homme en volumes inutiles : « un oui n’accepte pas deux fois le même amour » (133) ! Car il s’agit avec la voix de « trouer le nom », c’est la condition de l’épopée sous peine d’oublier le maintenant, de finir dans le lyrisme ou l’objectivisme. Philippe pousse ce travail du oui, par le non souvent, par le peut-être parfois mais aussi par le cri, par exemple dans ce long poème sur des photographies médicales et légales (139 et suivantes), cri qui permet de passer du mort au vivant sur la table « entre nous » : « il est / notre parole / nous sommes / son présent // pour toujours » (154). Et comme il s’agit de toujours de « recommencer les noms / propres les / revoir nus » (164), Philippe écoute avec son poème « une main vers / le rêve » (157) : alors j’aime que la voix fasse l’épopée minuscule de « l’abeille / hors de l’abeille » (158), épopée de la mémoire et de l’oubli : « alors nous sommes le miel / translucide du vide » (165) où s’entendent l’infini du poème, son travail infime et interminable, sa force intime et intangible. Simple comme bonjour et fort comme l’amour, le poème, ce poème :
où nous parlons le tu
s’ouvre je
brille dedans (166)
J’avais compté les six portes, les douze battants de ce livre et avais oublié de dire qu’il y avait surtout l’air, l’air libre, l’air qui emporte « toutes les saisons d’une maison » (172). Ligne clausule du livre qui fait résonner le multiple d’une voix qui a su inventer son espace, écrire sa « somme », au sommet d’un « triangle » – c’est là toute la réussite de ce livre, le défi qu’il fait à toutes les postures, à toutes les figures de la « Poésie », à ses prêtres et autres adorateurs qui n’entendraient pas une épopée de maintenant :
le triangle commence à partir
de l’amour
car
toi
et
moi
prennent tournure – nous
et nous continuons notre visage
notre visage nous continue
quand on a brûlé les figures et dans les figures
toutes les saisons d’une maison (172)
Disons que je n’ai rien dit du livre de Philippe et seulement rebondi sur ma lecture. Mais s’il fallait dire quelque chose d’utile, de rapidement utile à quiconque : il faut lire les pages 116-117 où se concentrent « les intérieures parentés » (Péguy) de tout ce livre. Ce poème qui ouvre « la moitié du jardin » s’achève ainsi :
le jardin
est dans le début de ta main quand
elle ouvre la maison
sur la saison qui commence le fruit (117)
Disons que je n’ai rien dit. Vous avez bien entendu : il y a livre et livre. Il y a un livre pur poème. Je le garde ouvert.
S. M.

Une fleur tendue


Note sur le dernier livre d'Ariane Dreyfus, Iris, c'est votre bleu

La poésie d’Ariane Dreyfus est renversante. Elle écrit en quatrième de couverture : « Cette fois, la fleur c’est un homme » ! Le renversement est toujours dans et par la relation. Je la multiplie dans ce nouveau livre qui continue tous les précédents – j’aime beaucoup ces « fois » qui ne répètent autrement qu’en avant dans une reprise à la Kierkegaard. Et si l’enfance puis l’ailleurs (Rwanda, Iran, Afghanistan) mais aussi le pinceau de Valérie (Linder) qui accompagne ce livre comme elle avait illustré La Belle Vitesse (éd. Le Dé Bleu), reviennent… ce n’est jamais pour éloigner mais toujours pour rapprocher, augmenter « du lien dans le temps » et toujours « commencer avec un iris sous le bleu du ciel nu ».

On le sait, tous les livres d’Ariane sont des livres de dialogue de vivants : ici, par exemple, c’est Israël Eliraz qui « ouvre chaque partie » en donnant neuf citations qui font une lecture dans l’écriture ou l’écriture comme lecture avec quelqu’un. « C’est votre bleu » est bien une adresse comme une réponse qui n’en finit pas de trouver du corps-langage « la langue dans le baiser ». Alors chaque poème comme recommencement de vie se relance dans chacun de ses moments avec toujours une syncope au double sens du terme qui fait le langage-poème de ce livre. Tout d’abord, c'est un brusque non-savoir que fait l’expérience d’écrire. S'invente un déplacement rythmique qui s'appuie sur la force d’une sémantique sans autre attestation que ce non-savoir inouï, cette connaissance par poème. Je prends un seul exemple (p. 70-71) :

Même quand elle est profonde de bonheur

La vie de chacun ne tenant à rien,

Venez vous aussi

Je lis la déréliction qui toutefois déjà s’étonne dans son participe présent. Celui-ci approfondit le renversement du circonstant et puis l’élargit avec un appel (une invitation?) au présent d’une relation que seul le poème peut faire vivre :

Suivons des yeux l’écriture couturière

Quand il y a encore quelque chose à faire

C’est ensemble que le poème s’aventure dans l’inconnu d’un faire

En ajustant les dimensions

Oui, on sait depuis Baudelaire au moins ce travail d’ajustement et avec Ariane, il y a pour cela les enfants, l’enfance de tout l’amour, de l’herbe aussi et puis :

Le soir c’est plus simple que tout

Je ne serre que toi

Si fort que je tords mon bras

C’est mieux que ma peur

Les rimes de « tout » à « toi » rendent, avec tout ce qu’elles emportent, l’énonciation "errante":

Errante

 

Pas comme la tristesse s’éloignant de la rive

Tes jambes serrent mes chevilles

L’ajustement se fait au plus près d’un corps plein de deux

Ma tête ton épaule

 

Ta peau très chaude, la page tiédit

Mon front tout près du dernier poème

Une écriture pleine d’une lecture qui s’emmêle au corps-langage d’une oralité. Cela commençait par l’appel à venir et s’inachève par un geste parlé d’écriture comme un dire-relation qui s’anonyme (« il faut ») en presque proverbe:

Je trace les mots qui parleront tout seuls

Car ma main revient dans ta main

Nous qui ne grandissons plus

Il faut apprendre la légèreté à la peur


Proverbe dédicace ou dédicace proverbe comme titrait Henri Meschonnic:

Courage, faire doucement

Les caresses

Ce rythme d’une relation par le poème engage toujours une altérité à fleur de peau pour que la voix s’écoute c’est-à-dire nous fasse entendre un sujet qui en éclaire un autre – entendez « sujet » comme vous l’entendez ou selon le moment de la vie, de la rencontre, du monde. « Tout cela, des exemples simplement » titre une quinzaine de notes rapides : c’est cette modestie qui fait aussi la valeur de l’ensemble non pour gagner une simplicité affectée ou une réponse cynique au monde mais bien pour multiplier le vital dans son impossible même. Ariane Dreyfus y risque le poème d’une éthique qui tient à cette couleur-relation, ce regard-fleur, « votre bleu ». Elle nous oblige au plus beau risque qui soit : « une fleur tendue ».

Ariane Dreyfus, Iris, c’est votre bleu, Le Castor astral, février 2008, 102 p., 12 €

 

Serge Martin

Numéro 2 paru au printemps 2008

Numéro 1 paru en été 2007